ANNÉES 5 à 12 / DURÉE SUGGÉRÉE = Quatre classes de 60 minutes
« En 1972, la déclaration de principe intitulée La maîtrise indienne de l’éducation indienne parlait de contrôle parental et de maitrise par la communauté. Cela signifiait qu’au bout du compte, nous allions pouvoir approuver les normes à appliquer dans tous les aspects de l’éducation. Ce n’est pas encore chose faite. Nous continuons de fonctionner avec des cadres conçus ailleurs. Nous continuons de faire tout notre possible. Nous continuons de faire ce que nous pouvons pour éliminer les chaines qui nous entravent. »*
Après plus de dix ans passés sur les bancs d’école, Karihwakè:ron Tim Thompson en a eu assez.
Il détestait l’école, éprouvait à son égard un ressentiment qui avait débuté à l’élémentaire.
Élevé à Wahta, une communauté située en territoire mohawk près de Bala, en Ontario, et trop petite pour avoir sa propre école, Tim avait dû quitter la réserve tous les jours pour faire ses études.
Il a fallu du temps pour que Tim Thompson voie des gens qui lui ressemblent dans les livres d’histoire. Quand c’est finalement arrivé, il n’a pas aimé ce qu’il a lu : des descriptions très crues de Mohawks torturant Pierre Infinity Radisson, un marchand de fourrures européen.
« Je me suis demandé, explique-t-il, pourquoi ces gens si doux que je connais, pourquoi mes ancêtres avaient fait une telle chose? J’ai eu envie d’en apprendre davantage sur mon histoire. Pourquoi est-ce que les livres d’histoire ne parlaient-ils pas des belles choses faites par les Mohawks? Pourquoi parler seulement des mauvaises? »
Tandis qu’il avançait dans sa scolarité, à l’école secondaire puis à l’université, les choses ne sont pas allées en s’améliorant.
« C’est comme si l’histoire ne s’était faite que de l’autre côté de l’océan, comme si la connaissance était réservée à cette région du monde. Comme s’il n’y en avait pas ici. J’avais presque l’impression qu’on essayait de cacher notre existence. »
Après plus de 15 ans d’études, Tim était resté sur sa faim et découragé.
Suivant un parcours qu’il trouve presque ironique, Tim Thompson a voulu retracer par lui-même l’histoire des Mohawks. Il s’est adressé aux ainés qui connaissaient les histoires orales et a beaucoup lu. Le long du chemin, il s’est découvert l’envie de réparer le système qui l’avait déçu.
Karihwakè:ron Tim Thompson a toujours été destiné à l’activisme.
« J’ai été entrainé, ajoute-t-il en riant. Ma mère était activiste. Mère célibataire, elle me trainait avec elle aux réunions et aux manifestations. »
Toute son enfance, Tim Thompson a vu sa mère travailler avec les organisations des Premières Nations. Elle a travaillé au dossier du rapatriement de la Constitution où elle voulait faire reconnaitre les droits et traités des Premières Nations.
De retour du pensionnat indien, la mère de Tim avait traduit le mohawk parlé par son oncle, le grand-oncle de Tim, en anglais. Et en son nom, elle avait écrit des lettres à la reine où, de son écriture d’enfant de 12 ans, elle défendait le territoire mohawk.
« Donc, j’étais déjà bien préparé, explique Tim. Le tout s’est joué quand le moment est venu pour moi de décider ce que j’allais faire de ma vie, quelles portes j’allais ouvrir, quel chemin j’allais prendre. »
C’est dans son travail avec l’Ontario Federation of Indigenous Friendship Centres que Tim Thompson a trouvé la réponse. Beaucoup d’autres communautés voyaient leurs besoins et leur culture ignorés dans les écoles.
Mais ces communautés avaient décidé de partir de la base pour créer leurs propres programmes scolaires. À l’intérieur du système, elles intervenaient auprès du personnel enseignant et des directions d’écoles pour les sensibiliser aux cultures autochtones. À l’extérieur, elles encourageaient les gouvernements à leur faire une place. « J’avais très envie de les aider. »
Toute la carrière d’activiste de Tim Thompson a reposé sur la conviction que les Autochtones ont besoin d’une connexion avec leurs cultures et croyances.
« Cela découle du simple fait d’exister. Tous les peuples ont un droit inhérent à l’autodétermination, rappelle Tim. Ce droit, nous devons l’affirmer en harmonie avec notre perception de ce dont nous avons besoin pour réussir, pour bien vivre, pour vivre en équilibre avec les gens qui nous entourent, ceux que nous voyons et les autres. »
En ce qui le concerne, cette connexion prend de nombreuses formes : le son du hochet-tortue lors des cérémonies rituelles, « un son qui m’émeut jusqu’au plus profond de moi »; la rencontre de personnes aux idées semblables, le long du chemin; ou encore, sa favorite, le retour à Wahta après des heures de route. (« Je retourne toujours chez moi, je suis probablement responsable d’une énorme quantité de pollution au dioxyde de carbone à force de conduire pour rentrer à Wahta. »)
Dans son travail, cette connexion à laquelle il croit si fort, il l’encourage en rappelant aux Autochtones qu’ils sont responsables de leur apprentissage et du choix de leurs maitres.
« Je pense qu’il y a encore un écart entre la conception colonialiste de l’éducation et celle des Premières Nations. Je pense que les Premières Nations disent très clairement qu’elles veulent avoir la maitrise de leur éducation et de tous les autres aspects de leur épanouissement en tant que peuple. »
Cette autonomie, explique Tim, existe dans les traités, mais pas dans la pratique.
« L’éducation est un domaine où nous pouvons beaucoup avancer : non seulement en aidant nos jeunes à acquérir une image positive d’eux-mêmes, ajoute Tim, mais aussi pour faire que tous ceux et celles qui vivent ici comprennent. »
Tout cela a été frustrant. Parfois, quelques heures de retard suffisaient à faire baisser les notes au point d’entrainer un échec dans un cours.
« Nous avons persisté pendant des années. Pendant des années, nous aurions pu abandonner. Mais il est important de ne pas lâcher, de continuer à faire pression pour changer tout cela. »
Les progrès réalisés — des écoles où les cours sont donnés par un personnel enseignant des Premières Nations dans une langue des Premières Nations — sont porteurs d’espoir. Il appartient à chacune et chacun de nous d’entretenir cet espoir.
« La première chose qu’on essaie de faire est de se changer. On essaie de devenir plus fort, de devenir une meilleure personne. Et puis on essaie de surmonter un à un les défis qui se présentent à nous. »
Sur son chemin, Tim Thompson a réalisé de nombreux projets. Son apport à des projets comme les programmes d’études autochtones de l’Ontario, qu’il a aidé à élaborer en 1996, a été très précieux.
« Ce projet a été vraiment passionnant, parce qu’il nous a permis de faire don de toutes ces choses, comme l’histoire, notre manière de penser et de faire, les auteurs des Premières Nations, etc., précise Tim. Nous avons mis toutes ces choses sur la table, et elles ont été intégrées aux programmes. »
Il a participé à la direction du First Nations Technical Institute et de l’Assemblée des Premières Nations où il a contribué à la version de 2012 de la déclaration de principe La maîtrise indienne de l’éducation indienne. Il a vu des portes claquer devant lui, mais aussi d’autres s’ouvrir après une longue fermeture.
Le processus le remplit de fierté chaque fois, peu importe les obstacles et les résultats.
« C’est ainsi que je me sens, que je sois debout dans le fond de la salle ou devant tout le monde. Quand on partage une cause avec d’autres, quand on a un groupe de personnes qui travaillent toutes dans la même direction, cela donne un sentiment de profonde satisfaction. Rien n’égale ce sentiment qui est vraiment extraordinaire. »
« Je pense que mon intérêt pour l’activisme m’est venu parce que j’ai assisté à des incidents où le pouvoir avait été employé de manière injuste au détriment de personnes moins puissantes. »
« Vous découvrez tous ces succès remportés un peu partout. Ils n’arrivent pas aussi vite qu’on voudrait à l’échelle systémique, mais il y a des champions et championnes partout. Et cela est très inspirant. Tous et toutes font leur part, là où ils peuvent. »
« J’ai tellement de héros et d’héroïnes. Certains sont encore vivants, d’autres sont partis. »
* Toutes les citations sont traduites librement.