ANNÉES 7 à 12 / DURÉE SUGGÉRÉE = Quatre classes de 60 minutes
« Ça nous est arrivé, ça pourrait arriver à n’importe qui. »*
Arthur Miki avait déjà la vingtaine quand il a commencé à comprendre la gravité des torts causés à sa communauté.
Il a appris alors que ses parents avaient été expulsés de leur domicile et envoyés dans un camp d’internement en Colombie-Britannique au début des années 1940. Son père, né au Canada, n’a obtenu sa citoyenneté que bien après avoir atteint l’âge adulte, trois ans après la guerre.
Arthur Miki a compris les vraies raisons de l’expulsion lorsqu’il s’est mis à fouiller les archives provinciales de la Colombie-Britannique. Pendant la période d’internement et les années qui ont suivi, les responsables gouvernementaux disaient souvent que ces mesures avaient été prises pour des raisons de « sécurité ».
Selon Arthur Miki, les documents d’archives brossaient un tableau différent, plus sombre, de préjudice financier et de racisme.
« Bien des Britanno-Colombiens et Britanno-Colombiennes ont commencé à dire : “Nous devons nous débarrasser de ces Japonais. Ils prennent nos places. Ils prennent nos places dans différents domaines.” Par conséquent, lorsque la guerre a éclaté, l’excuse était toute trouvée pour expulser les Japonais. »
Arthur Miki savait qu’il fallait faire quelque chose. Il voulait que les Canadiens et Canadiennes d’origine japonaise soient indemnisés pour l’internement.
Tout au long des années 1970 et 1980, il s’est heurté à un mur d’indifférence.
Après des années d’insuccès, l’équipe de négociation, à bout de patience, s’est demandée si le jeu en valait la chandelle. Même certains de ses concitoyens canadiens d’origine japonaise, craignant une discrimination encore plus grande, s’opposaient à la campagne.
« Il y a toujours des détracteurs. Il y a toujours des personnes qui refusent de nous appuyer et qui sont prêtes à se battre contre nous… Les gens ne pensent pas tous de la même façon. »
Arthur Miki savait que les Canadiens et Canadiennes d’origine japonaise, qui s’efforçaient de refaire leur vie depuis 40 ans, devaient continuer de lutter. Une reconnaissance des torts causés, des excuses et une indemnisation étaient, selon lui, essentielles.
Il ne savait pas comment y arriver jusqu’au jour où un membre influent de l’équipe de négociation lui a soufflé la solution.
« Il ne faut pas lâcher, a-t-il dit. Tu sais quoi? Si la population canadienne savait ce qui nous est réellement arrivé, elle nous appuierait. »
Eurêka!
L’internement ne pouvait pas être une question touchant uniquement les Canadiens et Canadiennes d’origine japonaise. C’était une question de droits de la personne qui devait toucher tout le peuple canadien.
Arthur Miki s’est mis à recruter des alliés, créant ainsi une coalition de Canadiens et Canadiennes, dont des auteurs, des ecclésiastiques, des maires, des groupes syndicaux, des enseignants et enseignantes, et des groupes de défense des libertés civiles, tous d’origines différentes.
« Il faut parfois nous soutenir les uns les autres au sein d’un groupe. Nous devenons ainsi une force puissante, ajoute-t-il. Si nous œuvrons en solitaire, nous risquons de nous faire emporter par les flots. Nous unir est la meilleure décision que nous ayons prise. »
Le vent a tourné. Entre 1982 et 1986, le pourcentage de la population canadienne estimant que les Canadiens et Canadiennes d’origine japonaise devaient obtenir réparation — une mesure corrective ou une indemnité pour le préjudice causé — est passé de 20 à 60 %.
La coalition a également invité d’autres groupes minoritaires à se joindre à elle, ce qui a mené à d’autres initiatives de collaboration et à d’autres excuses, notamment celles que le gouvernement a présentées en 2008 aux survivantes et survivants des pensionnats indiens.
L’activisme est comme une deuxième nature chez Arthur Miki. Il avait 15 ans lorsque la Ville de Winnipeg a prétendu que son équipe de hockey avait recueilli des fonds illégalement pour l’achat d’équipement et a menacé de confisquer cet équipement.
Arthur ne s’est pas contenté de répliquer. Il s’est rendu jusqu’à l’échelon le plus élevé. Il a frappé à la porte du bureau du maire de Winnipeg.
« Le maire a écouté notre histoire, puis il a dit : “Ne vous inquiétez pas. Je m’en occupe.” Je me suis dit qu’il valait parfois la peine d’aller jusqu’au plus haut de la hiérarchie. C’est comme ça qu’on fait bouger les choses… Une visite au grand patron a permis d’arranger la situation. »
Vingt ans plus tard, Arthur s’est retrouvé tout en haut, à la Chambre des communes, où il a écouté les excuses publiques présentées par le premier ministre Brian Mulroney au nom du gouvernement pour l’internement des Canadiens et Canadiennes d’origine japonaise. Cette fois, en frappant à la porte du bureau le plus influent, Arthur Miki a permis à chaque Canadien ou Canadienne d’origine japonaise qui avait perdu ses biens pendant la guerre de demander une compensation pouvant aller jusqu’à 21 000 $.
Ce moment lui fait dire que les 20 années passées à lutter en valaient la peine.
« Le gouvernement a dit : “Vous n’avez rien fait de mal. Ce n’était pas votre faute. C’était notre faute.” Cela a fait toute la différence pour les personnes qui ont eu l’impression, des années durant, d’avoir fait quelque chose de mal puisqu’elles avaient été ainsi traitées. »
Il reste beaucoup de chemin à faire. Le racisme du passé, Arthur Miki le ressent encore 30 ans plus tard.
« C’est beaucoup plus caché, affirme-t-il. À une certaine époque, les gens nous appelaient des Japs ou d’autres noms de ce genre. C’était assez courant. Aujourd’hui, les gens n’oseraient pas tenir de tels propos parce que ce n’est plus acceptable. »
« Tout le concept du racisme a changé, mais les sentiments demeurent. Il y a encore des gens qui ne peuvent pas accepter quelqu’un de différent. »
C’est un racisme plus subtil et souvent moins intentionnel qui, selon Arthur Miki, est plus difficile à contrer. Il estime cependant qu’il est maintenant plus facile de mettre en œuvre une stratégie axée sur le travail d’équipe pour contenir et enrayer ce racisme.
« Les choses ont changé dans notre société. Internet est là lorsqu’il y a une injustice. Les gens sont tout de suite mis au courant et peuvent être mobilisés. À l’époque, les injustices étaient presque toujours passées sous silence. »
Les choses ont évolué pour la communauté nippo-canadienne aussi. En fin de compte, Arthur Miki estime que les mesures de réparation ont changé la communauté pour le mieux.
« Il y a eu une période pendant laquelle des membres de ma communauté ne voulaient pas être japonais, dit-il. Certains ont même changé leur nom afin de cacher leur identité japonaise qui était vue comme quelque chose de très négatif. C’est différent de nos jours. Les gens sont très fiers de leur identité. »
Pour Arthur Miki, les paroles prononcées par un membre de l’équipe de négociation sont encore vraies, 25 ans plus tard :
« Si tu penses qu’une injustice a été commise, les gens t’appuieront. »
* Toutes les citations sont traduites librement.« Ce n’est pas parce que j’ai l’air japonais que je viens juste d’arriver dans le pays. Nous sommes ici depuis bien des années, mais pendant ce temps, nous avons vécu beaucoup de discrimination. J’essaie de faire comprendre cette réalité. »
« Si vous n’avez pas le droit de voter, vous n’avez même pas de voix. Pourquoi les responsables politiques vous appuieraient-ils si vous n’avez pas de voix? C’était la situation dans laquelle nous nous trouvions. … Des personnes nées dans ce pays n’avaient même pas le droit de voter. Mon père a finalement obtenu sa citoyenneté en 1948, même s’il est né ici. Je trouve cela étrange. »
« C’est humiliant pour une personne d’être traitée différemment parce qu’elle a une apparence différente, parle une langue différente, observe des pratiques religieuses différentes, etc. Comme peuple, nous devrions pouvoir comprendre que nous présentons, tous et toutes, des différences qui, à mon avis, devraient être célébrées par la reconnaissance de leur importance pour la personne. »